La lutte continue ! 5


Jean-François Charezans (photo paru dans Libé)J’étais professeur de philosophie au lycée Victor Hugo de Poitiers. J’ai été mis en cause par un courrier de parent d’élève, envoyé à mon chef d’établissement, suite à un cours que j’ai fait le lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo, le 8 janvier dernier. Suite à la réception de ce courrier le 14 janvier, mon chef d’établissement, sans  même me convoquer, – ni le parent d’élève d’ailleurs -, le transmet directement au rectorat. Le recteur de l’académie de Poitiers a diligenté une commission d’enquête administrative le 19 janvier, m’a suspendu de mes fonctions le 21 janvier, a fait un signalement au procureur de la république pour « apologie d’acte de terrorisme » et convoqué une commission disciplinaire pour « propos inadéquats tenus en classe » qui s’est tenue le 13 mars.

Malgré le constat fait par l’enquête de police que la phrase incriminée n’avait pas été prononcée, malgré le classement sans suites du dossier pénal, après quand même huit heures de garde à vue et cinq heures d’interrogatoires, le recteur a quand même maintenu la commission de discipline et m’a infligé une sanction grave de mutation d’office, en zone de remplacement dans un autre département, le département des Deux-Sèvres. Ce qui fait que j’ai été placé par le recteur à sa disposition pour des déplacements sur l’académie entière. J’ai demandé quand même à participer au mouvement de mutation particulièrement pour obtenir mon ancien poste. Mais le recteur a trouvé le moyen de me supprimer mes seize années d’ancienneté, me condamnant au bannissement à vie de ma ville de Poitiers.

J’ai réussi toutefois à me mettre à l’abri de l’arbitraire du recteur en obtenant une mutation sur un poste fixe au lycée de Parthenay. Je suis certes banni à vie de Poitiers à une heure de voiture de chez moi, j’aurai certes des frais, mais, dorénavant, le recteur ne pourra pas me déplacer à sa guise sur toute l’académie.

Concernant les suites, je souhaite simplement être rétabli dans mes droits. Que la sanction soit annulée et que je sois réintégré sur mon poste au lycée Victor Hugo. J’ai déposé un recours auprès de la ministre et au tribunal administratif. Sa cheffe de cabinet m’a répondu le 29 juin qu’elle transmettait à la directrice générale des ressources humaines et j’attends des nouvelles du tribunal administratif. D’autre part, une plainte a tété déposée contre la mère de l’élève de laquelle l’affaire est partie pour dénonciation calomnieuse.

N’est-il pas clair que tout ce que je subis depuis plusieurs années, et aujourd’hui concernant cette « affaire », est politique ? Cela ne vise-t-il pas à me faire taire et saturer ma capacité de réaction et d’action ? Ne vise-t-il pas à me faire payer mon engagement auprès des sans logis et mal logés, des sans papiers et les réussites du Dal86 ? Mais je ne lâcherai rien. Même si mon travail au lycée de Parthenay va me prendre un peu plus de temps, je reste sur Poitiers et je vais pouvoir continuer mes luttes.

Tout ce que je subis est bien-sûr aussi une façon de chercher à m’étrangler financièrement. Mais là-aussi les « autorités » n’y sont pas arrivées. Certes aujourd’hui j’ai déjà dépensé près de 9000€ en frais de justice mais j’ai obtenu 8000 €, dont, ça fait chaud au cœur, un chèque de 7000€, grâce à la générosité de ceux qui sont révoltés par ce qui m’arrive. Je les remercie tous très chaleureusement.


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5 commentaires sur “La lutte continue !

  • FOURNIER Michel

    Bonjour Jean-François,

    Bon courage…Toute ton histoire me rappelle en quasiment tous points la mienne vécue dès 1984 pour se terminer en 2013 et dont je t’avais donné moult détails….
    Ce sont des moyens de ce genre qu’utilise l’Etat pour neutraliser les enseignants qui « sortent du rang ».

    Je suis avec toi
    Michel

  • Sarrazin

    Je soutiens complétement Jean-Francois!
    Mes parents ont connu en leur temps un déplacement d’office pour des raisons politiques, avec mise en cause d’atteinte à la sûreté de l’état »….avec perquisition etc..
    Mais c’était en 1950…
    Quelle honte, que le rectorat soit incapable de protéger ses enseignants!

  • Alain Verreman

    Bonjour Jean-François,

    Vous êtes une victime de la calomnie : tous les syndiqués de tous bords auraient dû vous soutenir, et les non-syndiqués par solidarité.
    Comment se fait-il que vous vous trouviez seul dans ce combat ?
    Je me suis mis parfois dans des situations … délicates. Le SNES m’a toujours défendu, comme j’ai pu à mon tour défendre des collègues à maintes reprises.

    Quoi qu’il en soit, je vous soutiens contre des personnes à des postes de responsabilité qui cherchent uniquement à être bien vus pour préserver leur carrière. Honte à eux et à elles ! Qu’auraient-ils (elles) fait en 40, quand les nazis ont débarqué ?
    Vous résistez. Continuez à vous battre contre ces comportements lâches. Vous défendez notre honneur à tous.

    Alain Verreman, retraité de l’EN
    ex traducteur, prof de FLE à Berlin-Est (1970-1977) puis prof de lycée et prof de LEA (enseignement en allemand de l’économie allemande de 1945 à nos jours)
    Les apparatchiks ne nous auront pas, qu’ils soient communistes ou néolibéraux !

  • Céline Pouilly-Nhabouzite

    Bonjour Jean-François,
    Ce qui vous est arrivé est symptomatique de la façon dont l’Education Nationale musèle les enseignants essaimant l’esprit critique auprès des élèves et auprès de leurs collègues.
    La répression arbitraire contre des enseignants innocents est bien plus répandue qu’on ne l’imagine.
    On parle de cela sur le site Omerta au Rectorat.
    https://omertaaurectorat.wordpress.com/category/eee-liste-de-quelques-etablissements-scolaires-ou-il-fait-bon-vivre-et-parfois-mourir/le-lycee-victor-hugo-de-poitiers-86/
    Courage à vous et merci à celles et ceux qui vous ont défendu.
    Céline