Ma réponse au recteur concernant mon « lourd » dossier administratif 7   Mise à jour récente !


Jean-François Charezans (photo paru dans Libé)Après avoir lu le compte-rendu de mes collègues professeurs de philosophie de l’Académie de Poitiers à propos de leur entrevue avec le recteur du 3 avril 2015 (cité CR 03/04/2015), j’ai constaté que ce dernier tentait de sauver la face en mentant. Je me suis donc dit qu’il était temps que je montre comment le recteur travestissait la réalité pour nous manipuler.

D’abord, il est clair que le recteur n’arrête pas de mentir. « [M.le Recteur] nie cependant qu’il y ait une « affaire Chazerans », car celle-ci n’est que l’invention de notre collègue : « ‘ce monsieur’ a préféré porter son cas dans les médias en espérant trouver dans le public des soutiens qu’il était peut-être en peine de trouver du côté de son administration. Au lieu de prendre au sérieux ses interlocuteurs officiels, il a fourni sa version des faits et a même inventé certaines des accusations qui selon ses dires, lui étaient faites. Ainsi M. le Recteur affirme qu’il a appris par la presse que JFC était accusé d’avoir troublé la minute de silence du 8 janvier : Jean-François se serait publiquement vanté qu’on l’accusait de ne pas l’avoir respecté alors qu’il n’était pas présent dans son établissement à ce moment-là » (CR 03/04/2015).

C’est hallucinant. Comment le recteur peut-il encore mentir de la sorte alors que ce qui s’est passé et ce qu’il a déclaré est cité dans La Nouvelle République du 24 janvier dernier, ouvrez les guillemets : « il y a eu des plaintes de familles, nous a confié le recteur. L’enseignant aurait tenu des propos déplacés pendant la minute de silence ? »

« Des plaintes de familles » premier mensonge… « l’enseignant aurait tenu des propos déplacés pendant la minute de silence » deuxième mensonge… Et maintenant « M. le Recteur affirme qu’il a appris par la presse que j’étais accusé d’avoir troublé la minute de silence du 8 janvier » et que je me serais « publiquement vanté qu’on m’accusait de ne pas l’avoir respecté alors que je n’étais pas présent dans mon établissement à ce moment-là. » Là aussi ce ne sont que des mensonges. Il suffit de lire ce qui est écrit dans l’article et la note à la fin : « Éludant la fameuse minute de silence (note : Au moment où nous avons interrogé le professeur, il ignorait qu’on lui reprochait d’avoir perturbé la minute de silence), » j’ai simplement dit que « Je n’y étais pas. »

À moins que le recteur estime qu’il n’a pas dit ce qui est écrit noir sur blanc dans La Nouvelle République. Compte-t-il alors le démentir par un droit de réponse et surtout pourquoi ne l’a-t-il pas fait immédiatement ? Pourtant, il en aurait eu l’occasion dans sa mise au point du 31 janvier dans 7 à Poitiers . Soit dit en passant il continue d’affirmer dans cet article, comme il l’a affirmé aux collègues et aux parents d’élèves et comme les inspecteurs me l’avaient affirmé, qu’il y aurait plusieurs lettres de parents : « Il a été mis en cause par des témoignages écrits de parents d’élèves« .

Quoi qu’il en soit la loi sur la presse est très claire. Non seulement le recteur ne s’est pas exprimé à ce sujet dans 7 à Poitiers et n’a pas demandé de droit de réponse, mais ce qui est écrit est avéré car il avait 3 mois, jusqu’au… 24 avril, pour porter l’affaire devant les tribunaux pour diffamation.

C’est très clair, notre bon recteur ment. Il réécrit l’histoire à chaque instant. Il pouvait peut-être s’en tirer jusque là parce que les propos étaient oraux. Mais maintenant c’est écrit. Comment dans ce cas peut-on avoir confiance dans le reste de ses dires ?

Comme il n’y a plus rien dans cette affaire, le recteur cherche à s’en tirer en déplaçant le problème sur mon dossier administratif. « l’accusation ne porte plus sur les propos initiaux qui ont été prêtés à monsieur Chazerans. C’est ce dont témoigne ce que M. le Recteur appelle le « conseil de discipline » du 13 mars, au cours duquel « l’ensemble de la carrière de cet enseignant a été prise en compte » car « son dossier est beaucoup plus complexe qu’on ne le croit et que ce monsieur veut le faire croire«  » (CR 03/04/2015).
Mais là, le recteur prend ses désirs pour la réalité. Il aimerait certainement le croire mais tout cela ne repose pas sur son bon vouloir. « Le « conseil de discipline » du 13 mars » portait bien sur les propos que j’aurais tenus en classe lors du cours de TES3 du 8 janvier dernier. Là aussi, c’est écrit noir sur blanc dans le Résumé de mon dossier daté du 29 janvier 2015 et envoyé au procureur. On y apprend qu’en janvier 2015, je suis l’objet d’une procédure disciplinaire pour, qui en doute encore, « propos inappropriés tenus en cours sur le terrorisme. »
C’est la stratégie du recteur depuis le début de l’affaire et peut-être depuis plus longtemps, j’y reviendrai. Au départ, les inspecteurs vie scolaire avaient écrit noir sur blanc dans leur rapport que j’avais déploré les meurtres des journalistes de Charlie-Hebdo. Le recteur savait très bien qu’il n’y avait rien à me reprocher et qu’il m’avait donc suspendu sans raisons pour faute grave. Pour se justifier, il a donc fait des déclarations mensongères à la presse et a tenté de recentrer l’accusation sur mon dossier, i.e « l’ensemble de mon œuvre« . C’est ce qu’il a dit à la délégation de collègues de Victor Hugo qu’il avait reçue et c’est dans cet objectif qu’il a transmis mon dossier au procureur de la république, pour que, pensait-il, il trouve des preuves de « propos » que j’aurais tenus et qui pourraient justifier la suspension pour faute grave. C’est pour cela que les 4 heures et demie des 5 heures d’interrogatoire par la police ont porté sur mes cours et mon enseignement. Le procureur devant lui renvoyer mon dossier pénal en vue de la commission de discipline…

Mais cette dernière ne s’est pas déroulée selon le bon vouloir de notre recteur. Ni un communiqué de procureur ni un dossier pénal ne sauraient constituer l’ombre d’une preuve. Et mon avocat a été brillant, puisque lors de cette commission, il a empêché le recteur et mon Inspecteur Pédagogique Régional (IPR) de déplacer l’affaire sur le dossier administratif. Je n’ai pas encore le compte-rendu de cette commission de discipline, le recteur tardant à me l’envoyer, et pour cause. Dans mes souvenirs et ceux de mon avocat, il n’a pas été question ni de ma pédagogie, ni des débats philosophiques, ni des « accusations régulièrement portées à la connaissance du rectorat« , ni de mes supposés « différents blâmes« , ni même du dossier pénal, contenant la pseudo inspection pédagogique réalisée par la police.

Car, comment se passe normalement une véritable inspection pédagogique ? L’enseignant est prévenu quelques jours à l’avance de la venue de l’inspecteur qui assiste alors à l »un de ses cours. Puis suit un entretien et l’inspecteur rédige un rapport. Le hic c’est que mon IPR ne m’a jamais inspecté, ni durant ce fameux cours du 8 janvier, ni avant. Comment peut-elle donc avoir un avis si tranché sur ma « pédagogie » ? Réponse : comme le recteur, pour une part, elle se fonde sur les auditions de mes élèves faites par la police, c’est-à-dire sur des racontars voire des racontars de racontars… et pour l’autre part sur mon « dossier. »

Dorénavant les inspections pédagogiques de philosophie vont-elles se faire sans assister au cours et par des Inspecteurs vie scolaire, en interrogeant quatre à cinq de nos élèves, si besoin en les convoquant à un interrogatoire au commissariat, et si cela ne suffit pas, en faisant mettre le prof en garde à vue et en lui faisant subir un interrogatoire par les flics, et si cela ne suffit toujours pas, en cherchant d’autres éléments dans le dossier administratif de l’enseignant ? C’est grotesque et abject.

Qu’y aurait-il dans mon dossier de si grave, d’aussi grave que des « actes pédophiles » « qu' »il fallait bien en venir à un niveau de sanction plus élevé car les différents blâmes qui ont été prononcés à l’encontre des agissements de M. Chazerans étaient restés jusqu’alors sans effet » (CR 03/04/2015) ?

Même si ce n’est pas à l’accusé de faire la preuve de son innocence et que je dénonce catégoriquement ce procédé scandaleux, même si je trouve lamentable de devoir me justifier alors que je n’ai pas à le faire, je vais être clair.

Je rappelle que j’ai presque 25 ans de carrière et enseigné à des milliers d’élèves. Mon dossier au 21 janvier dernier, jour de ma suspension, ne comportait que trois lettres de parents et… on ne sait pourquoi, un contrôle médical confirmant que j’étais malade. Les deux premières lettres, datant seulement de… 2010, alors que j’ai commencé à enseigner la philosophie en 1990, ont été classées sans suite.. La troisième datant d’avril 2014 a abouti à un blâme. Le recteur continue donc de mentir lorsqu’il dit qu' »Il n’a reçu cette fois-ci qu’une seule lettre, mais M. Chazerans fait très souvent l’objet d’accusations régulièrement portées à la connaissance du rectorat : les parents et les élèves écrivent et téléphonent beaucoup au sujet de « ce que fait ce monsieur » » (CR 03/04/2015). Où sont les preuves de ce qu’il avance ? Et s’il n’a pas de preuves, est-ce qu’on peut encore le croire sur sa bonne foi ?

Je le dénonce depuis longtemps, je suis l’objet d’un véritable acharnement et pas seulement de la part du recteur. De la part du préfet et de son secrétaire général, de la part de la police qui se fait politique à cette occasion, voire police de la pensée, de la part du procureur, de la part du maire de Poitiers… Et, maintenant de la part de la ministre puisque c’est son attaché de presse en personne qui vient de monter au créneau pour se porter au secours du recteur. À la question du journaliste de la Nouvelle République au sujet de l’affaire de mon collègue suspecté de viol et d’agressions sexuelles : « Pourquoi le rectorat ne suspend-il pas l’enseignant immédiatement, le temps que la situation soit éclaircie, comme il l’a fait en janvier dernier dans le cas du professeur de philosophie un temps soupçonné d’apologie du terrorisme ? » Jonathan Debauve, attaché de presse de la ministre de l’Éducation nationale justifie : « Ça n’a rien à voir. Si ce M. Chazerans a été suspendu immédiatement, c’est que ça venait s’ajouter à un dossier déjà particulièrement lourd et que ce n’était pas le premier fait qui lui était reproché« , Nouvelle République, 11 avril 2015.

La dernière « affaire », celle « d’apologie d’actes terroristes » étant la cerise sur le gâteau qui révèle tout le harcèlement méthodique dont je suis l’objet.

À moins que, pour dire que mon dossier est « lourd« , le recteur se fonde sur le Résumé de mon dossier daté du 29 janvier 2015 et non signé mais qui, vu les renseignements qui y sont contenus, a dû être communiqué par lui même au procureur de la république. Résumé à charge bien-sûr et monté a posteriori avec des éléments qui ne sont pas dans mon dossier donc rajoutés sans que je le sache. J’en veux pour preuve, concernant la partie « Disciplinaire/ rapports/ interventions« , dans laquelle on trouve, outre les deux lettres de parents d’élèves, celle qui a motivé mon blâme, et le « contrôle médical »…, la mention d’une « plainte » de septembre 2013, orale ? Écrite ? Au chef d’établissement, d’un parent d’élève, plainte dont il n’y a aucune trace donc preuve dans mon dossier administratif.

Précisons que, de son côté, le procureur de la république a dû constater qu’il y manquait une « affaire » qui devait lui tenir à cœur puisqu’il l’a rajoutée quand il a communiqué mon dossier pénal au recteur. Il s’agit d’un courrier datant du 9 novembre 2012 relatant une plainte du Directeur Départemental de la Sécurité Publique concernant ma mise en cause dans mes fonctions pour « atteinte à la représentation des personnes« .

En effet, le 10 mai 2012, j’avais illustré le propos de l’un de mes cours sur la question de l’État en faisant visionner à mes élèves, à la demande de certains qui avaient été choqués par l’événement, un document vidéo sur l’expulsion brutale par la police, le 2 avril 2012, d’un campement de sans logis et mal logés mis en place depuis le 30 mars sur le parvis de Notre-Dame à Poitiers. Sur cette affaire VOIR. Lorsque j’ai eu accès à mon dossier pénal aimablement envoyé au recteur par le procureur de la république, j’ai pu découvrir que non seulement ce dernier avait fait un premier signalement au recteur le 1er juin 2012, qu’un document avait été envoyé à mon chef d’établissement le 10 juillet, mais qu’il avait aussi communiqué au recteur l’enquête judiciaire, probablement classée sans suite car je n’avais même pas été auditionné à l’époque.

Je commence à avoir un doute : y aurait-il donc au rectorat à côté de mon dossier officiel, un dossier officieux me concernant ? Dossier officieux contenant « les différents blâmes qui ont été prononcés à l’encontre des agissements de M. Chazerans [qui] étaient restés jusqu’alors sans effet » et les traces des « accusations régulièrement portées à la connaissance du rectorat » : les nombreuses lettres et appels téléphoniques des parents et des élèves. Quoi qu’il en soit, et je fais l’hypothèse que devant leur échec à me coincer sur mes activités militantes, en particulier au sein du DAL86, les autorités n’auraient-elles pas décidé de me coincer concernant mon travail de professeur de philosophie ?

Et tous les moyens sont bons. En février 2014, mon chef d’établissement baisse ma note administrative pour des raisons pédagogiques. « Poitiers le 12 février 2014. Notation de M. Jean-François Chazerans Année scolaire 2013-2014. Je suis régulièrement interpellée par des parents d’élèves inquiets de l’insuffisance du contenu pédagogique des séquences proposées aux élèves de terminale en cours de philosophie [mais où sont donc les preuves de ce que mon chef d’établissement avance ?]. Par ailleurs peu de devoirs ont été réalisés au 1er trimestre, les élèves ayant la liberté de rendre des travaux. En début d’année Monsieur Chazerans s’est présenté à ses classes de façon provocatrice, ce qui a choqué plusieurs élèves. J’ai de nouveau été saisie par les parents concernant cette posture de l’enseignant [mais où sont donc les preuves de ce que mon chef d’établissement avance ?]. J’ai demandé à monsieur Chazerans de bien vouloir suivre les contenus et objectifs du programme actuellement définis, de préparer de façon plus sérieuse et consciencieuse ses élèves à l’enseignement de la philosophie et à l’examen du baccalauréat« . Une pseudo inspection pédagogique de philosophie faite par mon chef d’établissement sur la base de racontars de parents, surtout que ma note avait été augmentée l’année précédente et que l’appréciation de mon chef d’établissement était : « Monsieur Chazerans doit poursuivre sa réflexion pour répondre aux attentes de tous ces [sic] élèves. Professeur assurant ses missions correctement« .

Je conteste :

Jean-François CHAZERANS
Professeur de philosophie
Lycée Victor Hugo
86000 POITIERS
Monsieur le Recteur
Sous couvert du Chef d’établissement
Du Lycée Victor Hugo
86000 POITIERS

Poitiers, le 17 mars 2014

Objet : contestation de ma note administrative.

Monsieur le Recteur,

Par la présente, j’ai l’honneur de vous adresser une contestation de ma récente note administrative. Les raisons invoquées par mon chef d’établissement quant à sa baisse, en aucun cas ne sont administratives.

En effet, l’appréciation générale que je doive « poursuivre ma réflexion pour répondre aux attentes de tous mes élèves » et que mon « enseignement doit répondre aux contenus et exigences des programmes » ainsi que ce qui est précisé dans le rapport : « l’insuffisance du contenu pédagogique« , le « peu de devoirs » et le fait que mon chef d’établissement me demande « de bien vouloir suivre les contenus et objectifs du programme actuellement définis, de préparer de façon plus sérieuse et consciencieuse mes élèves à l’enseignement de la philosophie et à l’examen du baccalauréat » ne sont pas évaluables par le chef d’établissement dans le cadre administratif qui est le sien.

Je suis aussi très surpris que mon chef d’établissement déclare qu’elle est « régulièrement interpellée par des parents d’élèves inquiets de l’insuffisance du contenu pédagogique des séquences proposées aux élèves de terminale en cours de philosophie« . En effet, mon chef d’établissement ne m’a convoqué qu’une seule fois cette année, dès le début de l’année, au sujet non pas « de l’insuffisance du contenu pédagogique des séquences proposées aux élèves de terminale en cours de philosophie » et pour cause puisque nous n’en n’étions qu’au début de l’année, mais de ma façon « provocatrice » de me présenter à mes classes qui aurait, d’après leurs parents, « choqué plusieurs élèves ». J’en ai immédiatement reparlé avec mes classes. Aucun élève ne s’est déclaré choqué. Et pour cause puisque ce que mon chef d’établissement suivant les parents d’élèves qualifie un peu trop rapidement de « provocation » entre en fait dans « l’accès à l’exercice réfléchi du jugement » inscrit au programme de philosophie. Cela m’a permis d’ailleurs, puisque nous en étions à la question de savoir comment on devient philosophe, de développer toute une réflexion critique sur la question : obéir aux lois ou obéir aux hommes ?

Il m’est arrivé par le passé que des élèves aient été sinon « choqués » du moins « interpellés » par certains contenus de mon cours. Ils sont venus m’en parler à la fin. Je les ai toujours rassurés en précisant les choses car cela repose toujours sur des malentendus. Cela ne m’est pas encore arrivé cette année.

Il m’est arrivé par le passé que mon chef d’établissement me convoque concernant des reproches de parents d’élèves, reproches quasiment toujours anonymes se rapportant non pas à « l’insuffisance du contenu pédagogique des séquences proposées aux élèves de terminale en cours de philosophie » mais à certains contenus de mon cours et à ma façon particulièrement libre de m’exprimer refusant le plus souvent d’employer une langue de bois et d’éluder les sujets sensibles.

Excepté en début d’année, je n’ai donc pas été convoqué cette année, pas plus que l’année dernière. Et je suis très surpris que mon chef d’établissement déclare qu’elle a « de nouveau été saisie par les parents concernant ma posture [provocatrice] » puisqu’elle ne m’en a pas parlé, que je l’ai découvert en lisant son rapport et que je ne sais toujours pas de quoi il en retourne.

Je suis d’ailleurs aussi très surpris que les parents d’élèves lorsqu’ils ont quelque chose à reprocher à l’enseignant prennent directement contact avec le chef d’établissement shuntant les diverses médiations possibles. Je n’ai jamais refusé de rencontrer ni les élèves ni leurs parents qui me l’ont demandé. Si c’était le cas, j’imagine que les délégués d’élèves pourraient venir m’en parler ou que les élèves ou leur délégués pourraient en parler avec leur professeurs principaux. Si les parents, à tort, souhaitaient rester anonymes, les délégués des parents pourraient prendre rendez-vous avec moi. Et si tout cela ne suffisait pas, je comprendrais que les parents prennent directement contact avec le chef d’établissement. Mais je le répète ce n’est jamais le cas, je n’ai jamais refusé de rencontrer ni les élèves ni leurs parents qui me l’ont demandé.

Concernant les critères d’évaluation de ma note administrative, ponctualité / assiduité, activité / efficacité, autorité / rayonnement, je mets au défi mon chef d’établissement d’expliquer ce qui aurait baissé depuis l’année dernière. D’ailleurs, elle me l’a dit l’année dernière lorsqu’elle a augmenté ma note administrative : je suis un professeur particulièrement conciliant. Mon chef d’établissement m’avait même entretenu du projet qu’elle avait eu et qu’elle n’avait pas mené à bien de mettre dans l’une de mes classes un élève qui dysfonctionnait dans la classe de l’un de mes collègues, précisant que mes méthodes pédagogiques pourraient lui être plus profitables. J’ai peu d’exigences au niveau de mon emploi du temps que j’accepte toujours sans discuter. Je suis toujours très souple au niveau administratif. Je n’ai d’autre part aucun problème d’autorité. Depuis que je suis au lycée j’ai dû mettre en retenue un élève et ce ma deuxième année, je ne fais jamais appel au chef d’établissement, je renvoie peu d’élèves de cours. Je n’en ai d’ailleurs renvoyé aucun cette année. Mes élèves semblent apprécier d’être en cours avec moi ce qui est confirmé par les inscriptions spontanées aux séances d’Accompagnement personnalisé qui font toujours le plein et même plus. Il n’est pas rare qu’il y ait une trentaine d’élèves alors que c’est limité théoriquement à vingt.

Dernière chose, mon chef d’établissement dépassant ses prérogatives et sans aucune preuve laisse accroire que je ne préparerais pas de manière « sérieuse et consciencieuse mes élèves à l’enseignement de la philosophie et à l’examen du baccalauréat« . Concernant la préparation au baccalauréat, outre les grandes difficultés qu’il y aurait à évaluer l’impact de mon enseignement sur la réussite de mes élèves, je vérifie régulièrement sur les PV de bac les notes de mes élèves pour faire les moyennes de mes classes. Je n’ai pas constaté de différences notables négatives entre les moyennes de mes classes et les moyennes que l’on peut constater dans les réunions d’harmonisation au bac. Elles de situent dans la moyenne des moyennes. Et il n’est pas rare même qu’elles dépassent cette moyenne.

J’insiste : pour quelles raisons ou quel intérêt j’aurais à ne pas préparer sérieusement et consciencieusement « mes élèves à l’enseignement de la philosophie et à l’examen du baccalauréat » ? Malgré ce que pensent mon chef d’établissement et, à ce qui m’est rapporté, certains parents d’élèves, j’exerce mon métier très scrupuleusement dans le cadre du programme. En effet ce dernier stipule que « L’enseignement de la philosophie en classes terminales a pour objectif de favoriser l’accès de chaque élève à l’exercice réfléchi du jugement, et de lui offrir une culture philosophique initiale » (B.O. n°25 du 19 juin 2003). Il y a bien des notions et des repères au programme mais ils ne sauraient constituer des têtes de chapitres mais sont des passages obligés. « La liste des notions et celle des auteurs ne proposent pas un champ indéterminé de sujets de débats ouverts et extensibles à volonté. Elles n’imposent pas non plus un inventaire supposé complet de thèmes d’étude que l’élève pourrait maîtriser du dehors par l’acquisition de connaissances spéciales, soit en histoire de la philosophie, soit en tout autre domaine du savoir. Elles déterminent un cadre pour l’apprentissage de la réflexion philosophique, fondé sur l’acquisition de connaissances rationnelles et l’appropriation du sens des textes » (B.O. n°25 du 19 juin 2003). C’est pour cela que j’ai l’habitude de dire à mes élèves qu’il n’y a pas de programme en philosophie rajoutant bien sûr très vite : comme dans les autres matières. L’enseignement de la philosophie est d’abord une invitation à la réflexion critique. Et apprendre la philosophie ou apprendre à philosopher ? est la première question de l’année que je ne manque pas de poser à mes élèves et de travailler à partir du texte la Caverne de Platon.

Il y a donc un réel choix qui dépend de ma liberté pédagogique dans ma façon de pratiquer l’enseignement de la philosophie. Progressivement, je me suis aperçu que la pédagogie institutionnelle non directive développée en particulier par Michel Lobrot me convenait particulièrement pour exercer mon métier et pour faire pratiquer la philosophie à mes élèves. Pour cela, je ne cesse d’expérimenter, de chercher des méthodes nouvelles, me trompant quelquefois, me corrigeant toujours, pour me perfectionner et faire toujours le mieux que je peux. Aussi je vis comme une véritable injustice les appréciations dénigrantes et fallacieuses de mon chef d’établissement.

D’autant plus que mon IPR, m’a rencontré début décembre à l’occasion de l’inspection de l’un de mes collègues. Elle m’a informé d’abord que ma dernière inspection remontant à moins de 4 ans, elle ne souhaitait pas venir m’inspecter cette année. Nous avons échangé sur certaines difficultés que j’avais eu en ce début d’année et comme l’année dernière à faire le nombre de devoirs imposés. Mais je lui ai assurée que comme l’an passé, je rattraperai au second trimestre, ce qui a été fait avec toutes mes classes, mon chef d’établissement étant chargé de contrôler, m’a prévenu oralement qu’elle l’avait constaté et qu’elle en avait informé mon IPR. L’autre question abordée avec mon IPR a été la question de mes méthodes pédagogiques et de la grande importance que le débat philosophique a dans mon enseignement. Nous avons convenu là aussi qu’il ne fallait pas que je ne fasse que des débats mais qu’il fallait aussi de l’approfondissement. Je lui ai assuré que les débats philosophiques nécessaires pour les élèves qui ne peuvent pas penser s’ils ne parlent pas et qui ont une grande importance au début de l’année pour permettre à tous les élèves de se décentrer et de prendre conscience de l’altérité et de l’alternative, sont remplacés progressivement et assez rapidement par des cours dialogués qui permettent un réel approfondissement.« 

Rien n’y fait, le recteur confirme la baisse. C’est commode puisque là aussi, il décide tout seul et n’a rien à motiver. La encore on peut voir la mauvaise foi du recteur et de mon IPR. « Mais encore parce que JFC ne divulgue à la presse ou ne se charge lui-même de nous communiquer ou de rendre public que ce qui lui convient. Il laisserait dans l’ombre que ce dont il a du mal à se targuer. M. le recteur laisse entendre à plusieurs reprises que, parmi les faits dont il ne cherche pas à tirer gloire, il y a tous ceux qui ont trait à la pédagogie qu’il pratique avec ses classes » ; « Notre IPR confirme que le dossier est épais et qu’il s’y trouve « d’autres éléments i.e que ce relatifs à l’accusation d’apologie du terrorisme » sur lesquels l’institution à rappelé à l’ordre M. Chazerans à plusieurs reprises » notamment sur la question des débats en classe de philosophie » (CR 03/04/2015).

Quelle mauvaise foi ! Quelles sont leurs preuves ? À part la pseudo inspection pédagogique de philosophie faite par mon chef d’établissement (ancienne prof d’histoire) sur la base de racontars de parents, je ne vois pas. Car je le rappelle, et c’est expliqué ci-avant, mon IPR ne m’a rencontré qu’une seule fois lors d’un entretien informel et ne m’a jamais inspecté. Ma dernière inspection remonte au 12 mai 2010, soit 15 jours avant les conseils de classe de terminale. Je suis donc inspecté en urgence. L’IPR de l’époque m’annonce qu’il est spécialement diligenté par le rectorat. Mais il ne veux pas dire ce qui m’est reproché et pourquoi il est là. Après l’inspection mon chef d’établissement qui est partie à la retraite l’année suivante, m’a dit que c’était la première fois qu’elle voyait une telle chose, enfin elle l’avait vue une seule fois dans une affaire d’attentat à la pudeur de la part d’un enseignant sur l’une de ses élèves mineures ! L’inspection, la quatrième en 11 ans, n’a pas permis de trouver quoi que ce soit qui aurait justifié une sanction disciplinaire envers moi. Ma note pédagogique ayant été maintenue. Je me doute aujourd’hui que c’est la première lettre de mon dossier qui à déclenché cette inspection. Lettre qui a été classée sans suite et qui a été anonymée par le rectorat, de laquelle donc je ne peux connaître ni l’expéditeur ni le destinataire. Lettre qui commence en ces termes «  suite à notre entrevue, nous venons par la présente rappeler les griefs que nous avons envers M. Chazerans…« , qui a donc probablement été commandée par quelqu’un du rectorat ou par mon chef d’établissement qui m’aurait alors menti, et envoyée au rectorat sans que je le sache… Dernière chose curieuse, le rapport de mon avant-dernière inspection, celle de 2007, faite par le même inspecteur qu’en 2010, qui devait m’être favorable puisque ma note avait augmenté de 2 points, manque dans mon dossier…

En juin de la même année 2014, je suis blâmé. Quelle est cette « affaire » ? En mars, je discutais enseignement de la philosophie place d’Armes, avec une élève du Lycée qui était mon élève sans l’être puisqu’elle était venue quelquefois au cours d’accompagnement personnalisé. Arrive l’une de ses copines qui était elle aussi mon élève sans l’être. Au bout de quelque minutes, cette dernière qui était en petit short et collants, nous dit que ses collants brillaient au soleil. Estimant qu’elle n’avait pas à dire cela devant moi et qu’elle ne s’en rendait pas compte, je lui ai dit que ce n’était pas ses collants qui brillaient au soleil mais ses poils. Elle m’a paru particulièrement vexée, m’a dit « ce n’est pas gentil ça monsieur » et est partie avec son amie. Elle aurait été mon élève, je lui en aurait reparlé au cours suivant mais c’était mon élève sans l’être. Aussi je lui ai envoyé le soir en rentrant chez moi, un message sur Facebook : « Salut […], pour me faire pardonner de ma blague « poilesque » de ce midi, que dirais-tu d’une petite discussion philosophique ? Comme Socrate dans Charmide et même si j’ai une petite idée de la réponse je souhaiterais savoir si la beauté de ton âme est en adéquation avec la beauté de ton corps [et j’ai mis en lien un texte du Charmide de Platon]. Qu’en dis-tu ?« 

En fait, que m’a-t-on reproché, à moi qui n’apporterais aucun contenu de cours ? D’avoir fait une citation philosophique ! Et, avec une mauvaise foi caractérisée ou ayant l’esprit mal placé, c’est selon, en interprétant cette citation à l’envers. Car, il aurait bien sûr été grave d’écrire « je verrais si la beauté de ton corps est en adéquation avec la beauté de ton âme« . Ecrire l’inverse signifiait replacer les choses à leur place : dans la relation que devrait avoir une élève avec son professeur : du côté de l’intelligence, du côté de l’âme et non du corps.

Mais là comme ailleurs c’est le recteur, juge et partie, qui décide tout seul à la fin. Je rappelle qu’un blâme ne nécessite pas la réunion d’un conseil de discipline et reste à la discrétion du recteur. Là comme ailleurs, je n’aurai pas dû lâcher. Mais, cela n’a pris de sens qu’à l’occasion de ma dernière affaire. À l’époque, je n’avais pas vu le coup venir.

La stratégie du recteur était donc depuis le début d’introduire des éléments de mon dossier administratif qui n’avaient rien à voir avec l’affaire en question. « Tous les considérants figurent sur l’arrêté de sanction : pourquoi M. Chazerans n’en fait pas état publiquement ? De quoi ne peut-il pas se vanter ? » a-t-il dit (CR 03/04/2015). Je vous livre donc le dernier considérant que je jugeais ne pas avoir à mentionner puisque c’est une manœuvre déloyale de la part du recteur de faire référence à ce blâme qui était déjà jugé ou du moins préjugé et n’avait rien à voir avec l’affaire en question : « Considérant que ces faits qui traduisent un nouveau comportement fautif grave, se situent dans un laps de temps de moins de 9 mois après une première sanction pour propos déplacés et inadaptés envers un public mineur.« 

Dernière chose : mon chef d’établissement a avoué à la commission de discipline que depuis la rentrée 2014 et avant l’affaire, elle n’avait eu aucune lettre ni coup de téléphone de parents se plaignant de moi.

Voilà, vous savez tout.


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7 commentaires sur “Ma réponse au recteur concernant mon « lourd » dossier administratif

  • Gastaud Georges

    Alors que M. Hollande s’en va parler de « droits de l’homme » à Cuba (ira-t-il à Guantanamo, où ses alliés états-uniens torturent et embastillent?), la chasse aux sorcières mal-pensantes est ouverte en France.

    Solidarité avec J.-F. Chazerans qui honore sa discipline. Non à l’unanimisme sous contrainte et de plus en plus fascisant de la société euro-atlantique et souvenons-nous du mot de Georges Politzer, le jeune professeur de philo communiste fusillé par les nazis:
    « l’esprit critique, l’indépendance intellectuelle ne consistent pas à céder à la réaction, mais à NE PAS lui céder ».

    Georges Gastaud, prof. de philo. retraité

  • reserbat denis

    Le pitoyable est de sortie…Un haut fonctionnaire ne ferait il qu une basse besogne? Ou bien defendrait il l interet superieur de on ne sait quoi ou qui.
    C est terrifiant de voir le travail soigneux de constitution de requisitoires qui ne feraient pas d ombre aux procureurs staliniens de la belle epoque.
    Mesdames et messieurs ne voyez vous pas que vous semez mediocrite mepris et conflits eternels sous vos semelles de plomb? Votre illegitimite s affiche de plus en plus et c est dommageable pour les enfants les familles et le service public. Les peroraisons de notables suffisants ne suffisent pas du tout. Avec des bruits de bottes on recupere des coups de pieds au c….Avex des bruits de chiotte on recupere…
    Je suis bien triste de cette image que se donne le service public. Comme on peut lire sur le manuel diffuse dans l academie…pour reperer un terroriste voici la liste des items….La on peut dire que pour reperer les mensonges et manipulations il suffit de lire la prose academique.
    Au fait ou en est la redaction du manuel de depistage de l enseignant inadapte et mutable ?

  • dje

    lut jef.

    Bientôt, ils vont prétendre que tout ceci est dû au fait qu’à 12 ans, tu as pété un carreau de la cantine en jouant au foot dans la cour du collège.
    Et que tu ne t’en ai pas vanté.
    Et que donc il fallait t’envoyer à Thouars.
    Et que tout ceci n’a rien à voir avec le fait qu’organiser, à la demande d’élèves, un débat philosophique sur le terrorisme dans une de tes classes à Poitiers, peut remettre en question la doxa sécuritaire.
    Et que tout ceci n’est pas une affaire de censure politique de l’enseignement de la philosophie.
    Et que 2 et 2 font 5.

    Ils sont ridicules.

    courage.

  • Anne-Marie Couret

    Philosopher c’est apprendre à penser par soi-même, pratiquer la liberté de s’opposer aux autres. Pour rester dans le rang sans faire de vagues, il y a les cours de morale ! Heureusement qu’il y a des enseignants qui savent sortir des sentiers battus pour préparer les jeunes citoyens à vivre une pensée autonome…Ce n’est pas le dossier de Monsieur Chazerans qui est lourd, c’est la peur de certains parents de voir leurs enfants acquérir cette autonomie !Quant au Rectorat, l’association dont je fais partie et qui veut obtenir de parler de la mort aux enfants dans les classes (ils sont très demandeurs, comme autrefois ils l’étaient de cours d’éducation sexuelle), attend toujours un feu vert de ce même frileux rectorat…des fois que ne pas parler de la mort rendrait immortel ???

  • anonyme prof

    Bonjour Monsieur

    Je vous soutiens en tout point et je rejoins votre lutte, votre amour de la vérité, les articles que vous avez trouvés et que vous vouliez faire étudier aux élèves sur les liens entre terrorisme et impérialisme qui sont tout à fait vrais, mais qui dérangeaient. Parfois, dans ma position de prof, j’ai l’impression d’être dans 1984. Il y a quelque chose qu’on doit penser à un moment donné, et ensuite, cela change et il faut faire comme si on ne l’avait jamais pensé. Il faut éviter de trop en savoir. Il faut surtout ne as déroger à la pensée officielle pour ne pas déranger, pour ne pas ébranler le pays. Il serait plus simple s’ils nous distribuaient un guide sur ce qu’on a le droit de penser et ce qu’on n’a pas le droit de penser. En tout cas, je me refuse de répondre aux questions de quiconque en classe peut-être par lâcheté, ou parce que sachant la vérité, je ne peux pas laisser proliférer le mensonge. Ce que vous avez dévoilé, et qui vous a causé cette mutation d’office, paraîtra bientôt, je l’espère au grand jour et vous serez célébré comme un héros. Moi même ayant fait des recherches sur la politique américaine de soutien du terrorisme pour avoir l’hégémonie sur le pétrole, je crains maintenant d’éventuelles répercussions. Mais je crois que le virement de bord de François Hollande, et le soutien à Vladimir Poutine changera la donne également pour vous. Cette peur de connaître la vérité qui dérange a même créé des dissensions dans notre couple, mon mari refusant même de m’écouter, et fuyant pour ne pas savoir, sans doute a-t-il peur à raison que sachant la vérité, il puisse l’ébruiter et e plus être le parfait fonctionnaire. En tout cas bravo pour votre liberté de penser. Vous avez tout mon soutien